Pourquoi donc l'ascension du Mont Joly est-elle une classique des randonnées au Pays du Mont Blanc ?
Voici 10 (bonnes) raisons :
1. Parce que l'alpage de la Grand Montaz, ouvert en saison avec traite, transformation et vente de fromages sur place est une halte appréciable. Très belle terrasse, bâti remarquable, fleurissement et petites décorations maisons : le lieu est beau, l'équipe est sympa, les enfants sont heureux (balançoires, bachal, poules, lapins, etc) et les parents sereins ! La buvette/restauration est aussi plaisante dans un transat face au Mont Blanc que rafraîchissante en fin de randonnée. Conclusion, si le chemin vaut plus que la fin, voilà une bonne excuse de ne pas aller plus loin.
2. Parce que l'arrivée au Col du Christ, sous le Mont Joux, place le petit Homme face à l'imposante montagne. Ici, c'est le Mont Joly. Non un sommet mais un Chaînon. Le Mont Joly sauvage. Le Mont Joly des Lanches. Et le Mont Joly des loups.
3. Parce qu'il faut encore s'arrêter au Pavillon-Chalet-Refuge du Mont Joly (sentier qui se raidit) pour se restaurer, dormir, lire le paysage, cueillir des myrtilles, discuter avec Josiane ou s'accouder contre la table d'orientation en séchant sa sueur dorsale.
4. Suer encore le long de cette crête qui longe les palissades et "gazex" (déclenchement préventif des avalanches) sous le Mont Géroux. Questionner aussi sur cette forme d'aménagement montagnard. Non ?
5. Croire l'arrivée proche une fois sur les crêtes. Mais que nenni !
6. Tomber sous le charme d'une remontée mécanique ! En l’occurrence, ce télésiège vintage du Mont Joly, un Montaz-Mautino construit en 1983 et ouvert l'année suivante, toujours dans son jus. Une pièce d'histoire presque fragile, à taille humaine, dont les pinces coupent les jambes au départ, refroidissent en chemin et congèlent à l'arrivée (12 minutes de montée). Et que dire de ses fondations, des pilotis ancrés avec plus de légèreté dans la montagne que celles de son cousin pourtant flambant neuf à l'Épaule.
7. Compter chacune des foulées dans le pierrier final, qui n'est point long mais interminable.
8. Relever la tête pour se guider à l'aide des cairns qui sollicitent l'attention. Les poteaux ont disparu. La randonnée peut démarrer.
9. Parce qu'il y a mille choses à faire au sommet : questionner cette antenne - relais montagne qui assure le réseau du secours en montagne ; noter ses impressions dans le mini livre d'or papier ou barioler un croquis dont vous seul êtes fier à côté du mot écrit par Michel le vétéran, son 6ème Mont Joly de l'année dont celui-ci, à l'aube (et en 56 minutes svp) ; se couvrir ; s'essayer à nommer chacun des 18 hameaux des Contamines ; apprécier ses cacahuètes à l'huile de palme bourrées de sucre avant la saveur des fromages locaux ; tourner en rond sur cette plateforme réduite au milieu d'un horizon si large pour comprendre que le Joly n'est en fait qu'un ilot au milieu de l'océan. Qu'on n'est pas en montagne, mais en pleine mer. Telle que le paysage était il y a moins 180 millions d'années ; observer les uns qui débouchent côté Contamines, ceux qui partent vers l'Aiguille Croche et ceux qui galèrent dans le pierrier.
10. S'émerveiller d'une redescente par le même itinéraire pour voir ce qu'on n'a pas vu ou différemment. Telles ces linaigrettes qui dansent sous la folie douce. Vous les avez-vues ?
En conclusion, cet itinéraire de montagne qui emprunte majoritairement des routes d'alpage sur le domaine skiable de Saint-Gervais l'hiver est une bavante. D'aucuns diront le contraire. Mais l'effort est largement récompensé par un panorama à 360° exceptionnel sur toute la chaîne du Mont-Blanc, le Beaufortain, les Aravis, les Fiz. Et tellement plus !