Description


On a entendu, les vaches dont les cloches annoncent en amont l'entrée dans l'alpage, à l'ubac des Dômes de Miage et de la Tête d'Armancette, le cri strident des marmottes. Difficile de les situer au milieu des prairies, il faut relever la tête mais à chaque fois trop tard. A priori proches ; elles sifflent pourtant depuis le versant opposé, le chant des oiseaux rassemblés dans les derniers épicéas de l'Envers du Truc, les voix de l'auberge du Truc, immuable depuis 1962. À l'heure où noircit la montagne, l'auberge demeure. Le repas du randonneur fait plaisir à lire, son tarif autant. La saveur du café allongé dure, les casseroles en zinc pendent et la toiture en tôle couvre toujours l'unique bâtiment, son petit dortoir de 28 places et ces visages familiers qui vous accueillent sur le pas de porte. Rien ne change sauf peut-être la couleur rouge de cette tôle ondulée dont la surface se réduit chaque année comme glaciers à proximité, le bruit des paquets de chips froissés, des gorgées désaltérées, des rares cartes IGN (re)pliées et des bonjours balbutiés, les souvenirs d'enfance qui se partagent à haute voix entre fidèles des lieux dont les habitudes estivales ne changent pas, les voix des Polonais, des Français et des Allemands le matin, puis le rire sonore des Anglais ou le débit saccadé des Indiens l'après-midi. Chaque été, 40 000 personnes foulent ce sentier, souvent en couple et certains avec un chien compagnon, croquettes et ravito sur le dos tel les petits ânes des temps modernes, le cliquetis des bâtons qui picorent le sol comme les grands pics dévorent les troncs, les rires des amitiés nouées via le chemin, le débit sourd des torrents qui s'oublient. On y voit le beau, il faut entendre l'eau. Elle coule de Miage, là où résistent encore les séracs suspendus. Les glaciers impressionnent moins. Ils sont dorénavant loin. Et l'effort pour s'en approcher a la saveur d'un supplément de plat du jour, l'agitation humaine à Miage. Si la côte atlantique a ses marées montantes et descendantes, Miage a ses randonneurs itinérants et des flux fascinants. Cette fourmilière organisée rassemble les locaux pour le déjeuner, les excursionnistes des communes voisines autour des torrents et les trekkeurs sur le chemin parfois plus pour la complétude d'un tour que pour la contemplation d'un tout, un alpage sans vaches ? Abondances, lait fermier et fromage frais au Truc un alpage sans pâturages ? Pas de plus belles prairies fleuries qu'ici dont les clôtures invitent à déguster des yeux sans les toucher ces tableaux de la nature, un alpage sans buvette ? Fromage frais ou fondue, Auberge ou refuge, Truc ou Miage, Bessat ou Orset, A-t-on entendu le silence ? Pas sûr. Si les hélicoptères survolent peu le vallon, Choucas et Dragon74 résonnent au loin. Les corbeaux tournent autour plus qu'ils ne croassent et les drones ne sont drôles que pour ceux qui les pilotent. La route d'alpage n'est pas non plus marrante, surtout après Maison Neuve ! Mais elle invite à chercher sans jumelles les bouquetins dans les pentes du Vorassay.