Noémie Condolo : un cocktail de courage et de créativité
Noémie Condolo a vécu une tranche de sa vie à l'envers, l'enfer à 19 ans, le cancer. Loin de se laisser abattre, elle a puisé dans cette épreuve une force intérieure. De la rémission à la redécouverte de soi, son parcours est un cocktail de force et de résilience.
Le 25 février, un rideau de pluie assorti d'un voile épais enveloppe Sallanches. En ce milieu de matinée, le V and B émerge doucement. Laurent s'affaire à l'approvisionnement de la cave tandis que Gaëtan, à la moustache travaillée, se charge d'un accueil chaleureux qui contraste avec la morosité extérieure. Dans la pièce encore endormie, Noémie me rejoint de l'autre côté du bar, vêtue d'un pantalon en velours côtelé vert. Ni cocktail, ni client. Juste elle, sourire aux lèvres avec ses cheveux rougeoyants. Derrière cette bonhomie apparente, il est difficile de concevoir qu'à 27 ans à peine, cette jeune femme a déjà gravi son Everest : vaincre le cancer. C'était en mai 2017. Noémie est dans la fleur de l'âge lorsque tout bascule. De fortes douleurs au ventre, semblables à des poings de côté, viennent la tourmenter. S'ensuit une batterie d'examens. Le diagnostic tombe : il s'agit d'un lymphome de Hodgkin. Ce cancer au nom imprononçable, affecte des globules blancs, les lymphocytes. Commence alors un parcours éprouvant. Noémie affronte la maladie avec une adversité sans faille. "Elle est courageuse. C'est une battante" écrit sa maman Isabelle, dans un sms empli d'admiration. Du courage, il lui en faut pour supporter six mois durant, un traitement intensif au Centre Léon Bérard de Lyon où elle suit jusqu'à trois séances de chimiothérapie par semaine. Les effets secondaires sont nombreux : perte de poids, de cheveux, nausées, vomissements. Noémie s'accroche. Le corps fatigue, vacille mais résiste. Ses 20 ans elle les fêtera à l'hôpital avec une soif de vivre débordante. Nono c'est une vaillante ! Sa famille et ses amis la soutiennent sans relâche jusqu'à cette date du 17 octobre 2017, son second anniversaire célébrant sa guérison. Les cellules cancéreuses ont disparues. Mais l’épée de Damoclès plane encore. Les contrôles médicaux, d’abord rapprochés, puis biannuels, le lui rappellent. Il faudra attendre cinq ans pour qu'elle puisse écrire sous un post Instagram : "Je sais d’où je viens, j’en suis fière. Rien n’est une fatalité." Guérir ne signifie pas seulement être en rémission. La maladie s'efface. Elle laisse des cicatrices parfois invisibles. Le cancer bouscule les priorités et les idées reçues. Il faut se redécouvrir et se reconstruire. Noémie tâtonne, expérimente. Elle ne souhaite plus s'encombrer l'esprit de futilités. Mais elle n'échappe pas à cette remise en question qui agite même les esprits les plus aguerris. Entre un polar de Jo Nesbø et un livre de développement personnel, Noémie cherche son équilibre. En échos aux mots de Christine Janin qui depuis le camp de base de son association chamoniarde "À Chacun Son Everest" fait de son expérience personnelle une source d'inspiration pour les femmes en rémission du cancer, Noémie aussi "redescend de son Everest pour gai-rire". C'est d'ailleurs à Chamonix, barmaid en saison, qu'elle découvre les cocktails. Révélation ! Elle tombe sous le charme de la mixologie. Elle part direction la Bretagne, réputée pour former d'excellents barmans. Son Certificat de Qualification Professionnelle Barman/Barmaid en poche, elle est de retour au Pays du Mont-Blanc. Thibault et Méghane, gérants du V and B Sallanches, lui font confiance. Elle intègre une équipe jeune et dynamique. En juin 2022, elle prend la responsabilité du bar. Dans ce lieu convivial où les évènements ne manquent pas, Noémie aime son métier, un mélange de passion et relation ! Chaque boisson est pour elle l'occasion d'un voyage et chaque gorgée une passerelle vers des émotions parfois dissimulées. Son préféré ? Le Negroni ! "Le cocktail du barman” confie-t-elle en souriant puisqu'il faut un palais expérimenté pour apprécier l'association du gin, du campari et du vermouth rouge et ainsi dépasser la première amertume qui cache la profondeur. Le cocktail qui la représente ? La Margarita, à l'apparence simple de confection qui cache une grande complexité à la dégustation. Cet alliage entre poésie et orfèvrerie, Noémie le retrouve chez Thomas Bencze à Megève ainsi qu'au Big Horn à Chamonix. "Noémie est une personne dont la gentillesse et la bonne humeur marquent ceux qui ont la chance de la connaître." Les mots de son ami Léo, rencontré au V and B, font écho avec la phrase du poète disparu, Christian Bobin : "Il n'y a pas de plus grand courage que celui d'être gentil." Désormais, là voilà prête à écrire la suite. Noémie convertit l'épreuve pour en faire fleurir un rêve : ouvrir son bar au pied du Mont-Blanc où chacun viendrait déguster ce cocktail dont elle seule à la recette.
