Coucou ! Comment vas-tu ? Tu ne m'oublies pas, j'espère ! En attendant de tes nouvelles, il faut que je te raconte...
Pas notre sortie rando luge, pourtant très sympa, au Col de Jaillet, que tu peux retrouver sur Coucou de France. Ni la météo du moment, un agréable 21°C dans les rues de Sallanches il y a deux jours. Mais une belle rencontre. Simple et vraie. Celle qui transforme un lundi pluvieux en un souvenir radieux. Une rencontre authentique qui m'a donné la pêche.
« Va voir sa collection » m'avait dit Augustin (le parapentiste). Jean-Paul Pezet, ça te parle ? Tsss, je te vois venir. « Les Pezet, il y en 450 ». Pas faux. A-t-il un lien avec le gardien du refuge Alfred Wills, un Pezet lui aussi ? Oui, son père ! J'ai donc rencontré Jean-Paul Pezet, un homme aussi passionné qu'élégant, aussi affuté que ses yeux sont bleus. Son dada ? Collectionner les paires de ski. Pas une lubie passagère d'un collectionneur amateur, mais « la plus belle collection de France » amassée sans prétention depuis plus de 30 ans. 600 paires de ski rangées, abritées et choyées dans le plus incroyable des musées du ski. Mais plus que des skis, Jean-Paul Pezet connaît tout. Les techniques, les matériaux, les souvenirs : il se souvient de tout. Des premières remontées mécaniques, Rochebrune 1933 son père y était. Du monoski, un de ses fils fut deux fois champion de France. Du ski artistique avec Cathy Frarier « mais les parents trouvaient ça trop efféminé à l'époque ». Et de tous ses souvenirs intacts qu'il raconte avec l'aisance, et l'élégance, d'un moniteur qui transmet simplement. Si Sarrazin le skieur, c'est fou, Pezet le collectionneur, c'est passionnant. Tu l'écouteras lorsqu'il se moquait du « beau Max et de ses Mégevannes »...unique.
Bonne lecture !
Virages carvées dans les épingles de Cupelin, Jean-Paul Pezet m'accueille sous la pluie un doux lundi de janvier, « Il y a cent fois plus de maisons aujourd'hui qu'il n'y en avait hier. Vous avez trouvé facilement ? » Le ton est donné. Pas grand, pas clinquant, il m'ouvre la porte de son cabanon construit dans la pente, à côté de son habitation. Difficile de s'imaginer qu'ici, sur les hauteurs de Saint-Gervais, est abritée une historique collection de skis. On papote alors de tout et de rien, du biathlon qui l'amuse, de Tardy à St-Gervais ou Rabbit on The Roof à Chamonix et même des agriculteurs de la commune : « 80 au siècle dernier, 8 aujourd'hui ». Pas encore de skis, mais une conversation qui rebondit. Aucun sujet ne lui échappe, y compris ce redoux de Janvier, habituel selon les anciens.
Il me raconte les débuts de la station avec l'arrivée des genevois et « des grands sportifs lyonnais »,
puis il m'invite à descendre les marches, pour remonter le temps.
L'histoire de Jean-Paul Pezet avec le ski n'a pourtant pas commencé sur des planches. Ni même dans les remontées mécaniques : « J'ai toujours été dans le bâtiment. Ce n'est qu'en 1975 que je suis rentré chez Atomic Ski, numéro 1 mondial à l'époque ». Car ses premiers amours sont les matériaux stratifiés. Puis les synthétiques. Ce qui l'amène à conseiller des fabricants de skis notamment Straver à Perrigner (Haute-Savoie) avant que l'entreprise ne soit rachetée par Lacroix. Au sous-sol de son cabanon, toutes les marques y sont. Des plus locales, les Felisaz de Servoz ou les Devouassoux, aux Voelk, Hagan, Dunlop mais aussi des skis américains et d'anonymes paires ukrainiennes. Les Duvillard sont rangées à côté des Cardis, des Aigle et des Hammer. « Hammer vous connaissez ? Avant que ça ne soit des financiers qui rachètent Salomon, ils fabriquaient des skis. »
Il y a bien sûr les Rossignols 41, l'emblématique modèle olympique en Hikory, haut de gamme de l'époque « dont ceux de l'année 41 ».
Jean-Paul Pezet s'arrête sur chaque paire. Il en connait les matériaux, les technologies de fixation et toutes les histoires. « Regardez ces X33 en métal de chez Baudou. Les bottes de pèche, vous voyez ? Le fils Baudou, passionné de ski a fabriqué ces skis tout métal ». Ou encore les AluFlex, marque historique créée par Charles Dieupart en 1954, le grand père de l'actuel gérant de l'enseigne publicitaire à Sallanches. Et puis il y a ces anecdotes qu'il me raconte comme celle du « beau Max et de ses mégevannes ».
« Comme il pouvait récupérer les vieux skis chez Atomic, c'est à partir de ce moment là qu'il a commencé à faire une collection historique, en ne gardant que les meilleurs » raconte son fils Brunot Pezet au téléphone. « Ça a démarré quand j'avais 13 - 15 ans. Il est né en 1943 donc il a commencé le ski dans les années 50 ». Jean-Paul Pezet a écumé les brocantes. Les gens le savent et lui en donnent. Sa collection s'étoffe. Chaussures, surfs, monoskis et skis de fond viennent aussi garnir des étagères bien remplies sur lesquelles le temps laisse son empreinte.
« Son premier talent n'est pas sa collection de skis » évoque non sans une affection empreinte d'admiration Julien Pezet, le premier de ses huit petits enfants dont la famille s'est installée à Nantes. « Le cabanon c'est lui. Sa maison, il l'a construite entièrement. Et tous les six mois, il fabrique un nouveau prototype. Il a des mains en or. Je trouve qu'il n'est pas assez reconnu pour ça ». Surnommé affectueusement le poète de la mécanique par son meilleur ami aujourd'hui décédé, l'atelier de Jean-Paul regorge d'étonnants prototypes tels ces skis de fond à roulettes avec système anti recul à la montée et frein à la descente,
ces "skis douelles",
ou ce quadricycle électrique à faire pâlir plus d'un Géo Trouvetou.
La question du devenir de cette collection s'est enfin posée. Si l'idée d'un musée du type Musée Savoisien ne lui plait guère, « faut de l'envergure, faire mieux que moi », il n'est pas contre trouver une fondation pour prendre la suite. Bercé par les histoires de son grand père, Julien s'est donc lancé dans la création d'un podcast intitulé "Papy ski" pour l'aider à médiatiser sa collection et « pourquoi pas trouver un Rothschild local qui en ferait une jolie scénographie ou un musée ». Bruno est quant à lui partagé sur cette idée de musée. « Ce qui est intéressant, c'est collecter cette mémoire en lien avec la construction des remontées mécaniques, avec l'évolution des techniques du ski et l'histoire des gens. Mettre les skis dans un musée perdrait leur sens. Seuls, c'est moins vivant. » L'avenir de cette collection reste donc en suspens, tout comme ce moment hors du temps à écouter l'élégant Jean-Paul Pezet. Moi qui suis venu pour une collection de skis, je suis reparti avec un moment de sa vie, celle de l'histoire vivante du ski.
Timothée
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